Intelligence artificielle (IA) : la France en action

Désengorger les urgences et améliorer les services préhospitaliers

Auteur de l’article : Gilles Bigot – Source : https://www.lesechos.fr

En chargeant Cédric Villani, Président de l’OPECST, mais aussi mathématicien et lauréat Fields, d’établir en quatre mois la feuille de route de la France en matière d’IA, le Gouvernement déclare l’urgence de s’engager dans la bataille internationale et « positionner le pays sur la carte du monde de l’IA » (Rapport de l’OPECST, mars 2017). La santé figure parmi les secteurs prioritaires.

Au terme de nombreuses années de rapports publics, de benchmarks étatiques, d’entretiens avec les acteurs clefs, et à présent que sont déterminés les enjeux scientifiques, économiques et sociétaux, le Gouvernement est enfin en mesure d’engager l’ensemble des actions et entend s’appuyer sur l’excellence de la recherche française ; il peut également compter sur la volonté des entreprises de toutes tailles de prendre part aux efforts et aux bénéfices de l’enjeu majeur de ce début de siècle.

L’excellence de la recherche française

L’IA comprend un très grand nombre de domaines et sous-domaines de recherche (11 grands groupes eux-mêmes divisés en sous-domaines selon la cartographie établie par le groupe de travail Recherche en amont piloté par Sébastien Konieczny et publiée dans le Rapport France Stratégie France I.A., pour le développement des technologies d’intelligence artificielle, mars 2017), parmi lesquels figurent la robotique, la vision et l’apprentissage automatique (machine learning) dont le deep learning fait partie, et qui impactent directement le secteur de la santé.

La France, à la différence des autres nations, dispose, dans chacun des domaines, des meilleurs chercheurs au plan international. Cette excellence, qui permet aux laboratoires français d’occuper tout le champ de la recherche en IA, constitue par ailleurs un atout majeur dans la compétition internationale, car aucune application ne saurait porter sur un domaine unique.

Ainsi, pour exemple, la robotique appliquée à l’assistance de la personne intègre à la fois le raisonnement sur l’autre pour la modélisation des états mentaux de la personne assistée, la décision sous incertitude, car l’information donnée par la personne assistée peut être incomplète ou totalement absente, l’IA embarquée, l’apprentissage par renforcement, pour permettre la personnalisation par éducation, l’apprentissage profond (deep learning) pour la conversation, etc. Les chercheurs travaillent actuellement en silo, du fait principalement de leur spécialisation et de l’absence de gouvernance idoine des laboratoires. Or le décloisonnement des travaux, qui permettrait aussi la mutualisation des moyens et des financements, est le passage obligé pour atteindre le leadership.

L’IA ne peut non plus se concevoir sans liens étroits avec d’autres disciplines comme les neurosciences, les sciences cognitives, les mathématiques, mais aussi la philosophie, la linguistique, la sociologie ou encore l’économie. Les passerelles, et plus encore la combinaison entre les secteurs scientifiques, conditionneront la performance de la recherche.
Le soutien des pouvoirs publics ne peut donc pas être morcelé. Les rapports et les conclusions des groupes de travail de ces cinq dernières années sont unanimes : le soutien des pouvoirs publics doit porter sur tout le front des recherches en IA et non par détermination d’un seul lot d’actions, fussent-elles prioritaires.

Le rapprochement des acteurs publics et privés de la recherche

Avec pas moins de neuf prix Nobel scientifiques, un prix Turing (« Nobel » d’informatique) et trois médailles Fields (« Nobel » de mathématiques) pour les seules dix dernières années, la grande qualité de la recherche fondamentale française est internationalement reconnue. La France se place par ailleurs au 5e rang mondial pour ses publications à fort impact (Évaluation de politique publique, Rapport sur la participation française au programme-cadre européen pour la recherche et l’innovation, 2016) et au 4e rang pour son taux de chercheurs (L’innovation en France, Indicateurs de positionnement international, édition 2016), autant d’indicateurs favorables de l’intensité des activités de R&D au sein de l’économie.

Pour autant, cette excellence ne se reflète pas dans ses performances de participation aux programmes européens collaboratifs de recherche ni dans son encore trop faible attractivité internationale. Pour la mission d’évaluation des politiques publiques, ce gap entre potentiel et participation est particulièrement visible dans les débuts d’Horizon 2020 (aussi dénommé Programme cadre pour la recherche et l’innovation), et ce, quel que soit le pilier du programme, y compris pour celui « d’excellence scientifique », pour lequel la France ne se distinguerait pas singulièrement selon la mission. Ainsi, pour se placer au 3e rang des bénéficiaires des financements octroyés en santé avec 11 %, la France compenserait son modeste taux de candidatures par son très bon taux de succès des dossiers déposés. La marge de progression de la participation française, tant des laboratoires publics que du secteur privé, est considérable : la France peut légitimement briguer la place de leader dans chacun des 5 domaines identifiés par la mission. Cela est d’autant plus vrai dans le secteur de la santé.